Zanshin, l’esprit alerte

 

Être vigilant à ce qui nous entoure, l’esprit en alerte mais calme est une définition très brièvement résumée de zanshin. Il y a plusieurs strates de lecture pour comprendre ce principe. C’est un exercice de longue haleine pour acquérir tous les ingrédients de ce concept essentiel, tant sur la voie martiale, sur le principe de self-défense, que dans la vie quotidienne. L’objectif est d’atteindre ce degré de vigilance constante d’une manière inconsciente.

 

 

Commencer par l’observation

 

Avoir les sens en éveil, comprendre le contexte comme l’intention de l’agresseur par exemple, analyser l’environnement est une première étape. C’est une étape d’observation, d’état d’alerte, pour générer une aptitude à la réaction appropriée. Il s’agit également de préparer sa conscience à des réflexes qui pourraient sembler innés de l’extérieur. Il est facile de jouer à cet exercice de vigilance, comme par exemple en allant dans un supermarché à un moment de forte fréquentation, en allant dans un restaurant et en choisissant son emplacement stratégiquement pour dîner, lorsqu’on conduit une voiture aux heures de pointe. En fin de compte, cette vigilance s’associe avec l’idée d’anticipation dans son environnement. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il ne s’agit pas d’anticipation dans le sens « prévoir ce qui peut arriver » mais plutôt être « prêt à agir quoi qu’il arrive ».

 

 

Être prêt et impénétrable

 

 De l’extérieur cet état n’est pas à proprement parler visible, on parle de neutralité de l’attitude physique. Bien que son positionnement, son ancrage, le regard dans sa pratique martiale soient l’interprétation d’un signe que la personne « est prête » pour l’instant décisif, il peut être perçu de l’extérieur comme une forme de sérénité, d’équilibre. On voit la personne sûre d’elle-même. La neutralité de son mental, qui est invisible, renforce cette impénétrabilité et elle doit le rester. Il faut là avoir conscience que l’agresseur ne doit pas exploiter une quelconque faiblesse, une réaction de votre part inappropriée. La notion ici d’impénétrabilité est au cœur d’une consolidation de votre zanshin.

 

 

L’instinct, les automatismes

 

Par l’apprentissage martial, la consolidation de l’esprit se développe notamment par le ma-ai, la distance d’engagement juste, hyoshi, le timing, ou encore yomi, devancer. L’instinct développé, par les automatismes créés par de nombreuses années d’entrainements, sait la décision juste à réaliser, sans le penser. Il y a donc un gros pas à franchir entre le jeune artiste martial, qui dans l’apprentissage a besoin de « réfléchir » à sa technique, et un pratiquant expérimenté qui en a suffisamment dans ses bagages pour saisir la bonne technique par opportunité. L’exécution d’un randori renforce les automatismes, son propre style, sa manière de réagir. Le mouvement est libre, naturel, et devient de moins en moins dirigé par sa volonté. Cette étape fondamentale d’enlever « l’instant réflexion » est un préalable pour acquérir zanshin. Le pratiquant aura également une meilleure maîtrise de son corps, qui ne se limitera plus aux barrières de son esprit et de sa réflexion.

 

 

Atteindre la sérénité

 

À partir de cette étape, l’essentiel de l’esprit doit rester neutre, solide, stable lors de sa complète pratique martiale. L’idée est que la conscience ne change pas, alors que l’intention technique peut elle-même être dévastatrice. Il commence à y avoir une séparation de l’esprit et du corps, l’action est réalisée dans la sérénité, qu’on peut appeler sei-chu-do, le calme dans le mouvement. Pour cela, des aptitudes martiales sont développées au préalable, comme le refus de l’ego par exemple. On a conscience à ce moment de montées en intensité de zanshin selon la situation, tous les sens sont en éveil et les situations d’action sont adaptées.

 

 

Faire le vide pour être disponible

 

Historiquement, le principe zanshin a participé à la recherche de nouvelles voies martiales, de nouveaux styles, dans un but de développement de capacités humaines. L’absence de volonté d’action par la liberté de mouvement permet d’avoir cette sensation d’être détaché de son corps, voire même le déploiement de la conscience dans un temps éclaté. Ce détachement de l’esprit, est aussi appelé, le « vide ». On peut associer trois principes pour associer à ce qu’on entend par le « vide ». L’esprit vide, mu-shin, ne signifie pas « creux », mais qu’il n’y a pas de pensées actives. Par simplification de la compréhension : « faire le vide dans sa tête » pour libérer ses pensées et se débloquer.  On peut aussi inclure le principe que les pensées ne viennent pas de sa conscience mais si pensées il y a, ce sont des pensées non conscientes, hishiryo. On parle alors de « non-pensée ». Pour schématiser ce principe complexe, on peut aussi évoquer le fait de « laisser couler, laisser filer » les pensées, l’absence de jugement.  Enfin, l’esprit immobile, immuable, fudo-shin, par l’équanimité, l’humeur constante, stable, pour atteindre cette imperturbabilité. Évidemment ces trois principes mériteraient une explication et une mise en application plus approfondie, mais il s’agit là d’une explication sommaire pour comprendre ce qu’on entend par le détachement de l’esprit.

 

 

Des objectifs martiaux et de self-défense

 

 

    Pour conclure, zanshin a pour objectif dans les aptitudes martiales et de self-défense d’atteindre une sérénité dans sa pratique, d’obtenir une fluidité dans un randori (enchainement libre) en enlevant les mouvements saccadés qui sont les résultats d’une réflexion, d’avoir cette sensation d’imprévisibilité lorsque vous travaillez avec une personne ayant atteint ce stade, d’éviter de tomber dans les pièges et d’empêcher l’anticipation de votre partenaire d’entrainement, et enfin d’avoir la sensation que le corps agit par lui-même. Ce concept n’est que la résultante d’un travail acharné, long et fastidieux, il ne s’agit pas d’un don.

 

 

Kévin Lansard

 

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